Soie Bavarde

Le blog de Soie Essentielle

Marcelle raconte Saint Bauzille au temps des usines de bas

| 0 Commentaires

J’habite dans une ancienne épicerie. Quand je leur dis ou je vis, tous les villageois au dessus de de 50 ans ont soudain le regard qui part au loin, un grand sourire qui leur vient aux lèvres alors qu’ils me racontent qu’ils ont volé plein de bonbons chez moi autrefois, « parce que Marie de Terre, l’épicière, elle était pas très rapide ».

Il y a quelques temps, j’ai lancé un appel à témoignages, je cherchais des personnes ayant travaillé dans la soie autrefois. Peu de réponses directes, mais des voisins qui me disent qui aller voir, qui pourrait me parler de cette époque. Au final, j’en apprends plus sur ma maison, le village et la vie de tous les jours un demi siècle en arrière que sur les filatures et bas de soie, mais qu’importe, c’est passionnant à découvrir. Et maintenant je sais que la moitié du quartier habite aussi dans des anciennes épiceries ;).

De fil (de soie bien sur) en aiguille, j’en viens à découvrir que la plupart de mes voisins les plus âgés ont travaillé dans les usines de bas, dont ma voisine directe. Et comme on est un petit village, un jour où on se croise sur le palier de nos portes, elle me lance : « il paraît que vous voulez venir discuter avec moi, mais vous êtes un peu timide, hein ? N’hésitez pas, ça ne me dérange pas du tout, au contraire ! ».
Je débarque donc chez Marcelle un après-midi, avec un bol de figues du jardin de mes parents, armée de l’appli voice recorder de mon smartphone, et là j’ouvre une fenêtre sur le passé de ma rue :

 

Place du Christ

Place du Christ

«A l’époque il y avait beaucoup de travail. On nous attendait quand on sortait de l’école pour nous embaucher dans les bonneteries. Moi j’ai commencé à 15 ans. Mes parents voulaient que je continue l’école, mais moi je voulais travailler à l’usine, pardi! Toutes les familles allaient dans les usines. Je n’ai pas travaillé la soie, moi, c’était déjà le nylon. Il y avait les grands métiers, les 32 têtes,pour faire les bas couture, vous savez. C’est beau les bas couture. Et puis ensuite les métiers circulaires, pour les bas sans coutures et les collants. Chez Rouvière il devait y avoir 3 ou 4 grands métiers rectilignes, et puis après ils s’en sont débarrassé pour les petits métiers circulaires.

J’ai commencé à Laroque, mais l’usine a fermé, pour déménager à Montpellier je crois. Alors j’ai été prise à Ganges et puis je suis revenue à St Bauzille, chez Rouvière. Il est venu me chercher parce que j’avais la technique pour travailler les bas circulaires. Moi j’étais contente de pouvoir travailler tout près. Quand j’étais à Ganges, c’était après la guerre, on n’avait pas de voitures, on y allait en vélo très tôt le matin. Il faisait nuit et on guettait chaque lumière en se demandant qui c’est. Dans la combe on croisait toujours quelqu’un qu’on connaissait et qui entrait parce qu’ils faisaient les 3 équipes à l’usine. Parfois on avait froid, on était trempe quand il pleuvait, mais c’était une bonne vie.

Il y avait des magasins partout dans le temps, à Ganges, et ici aussi. C’était avant les supermarchés. Chez vous, c’était l’épicerie de Marie, plus loin vers la rue du temple, il y avait l’étoile du midi, et encore un peu plus loin la coop (ndlr : ça fait 3 épiceries sur 100 m). Il y avait bien quatre ou cinq boucheries. Et des cafés, il y avait des cafés partout. On y allait en bande parfois, à la sortie du stade après les matchs de foot. Des fois on ne trouvait pas de place tellement c’était plein. Tout le long du village il y avait des gens en terrasse. Et il n’y avait pas toutes ces voitures.

 

filature Justin Bertrand

la filature Justin Bertrand à Saint Bauzille de Putois

 

La soie, c’était nos grand parents. Ils faisaient les vers à soie dans les maisons, ça leur faisait un complément. Les fileuses, je les ai connues à l’époque, quand j’étais gamine, on les voyait après l’école. Man… qu’elles portaient l’odeur sur elles, les pauvres, on se les montrait et on disait entre copines, qu’est-ce qu’elles sentent mauvais !! et elles avaient les mains toutes flétries, d’avoir tout le temps les mains dans l’eau pour étirer le cocon, vous savez.

Les filatures se sont arrêté a la guerre je crois. Quand on a arrêté le ver à soie. Le ver à soie c’était pénible quand même, il fallait les faire manger 3 fois par jours, chercher la feuille de mûrier, la remouiller pour qu’elle ne sèche pas. Oui, ça a du finir bien avant 40. »

Auteur : Stefanie

Stefanie aime voyager, la déco, le bricolage, peindre, fabriquer de jolies choses, dessiner, les diners entre copain, écrire, les sorties culturelles, les soirées resto, la couture, les jeux de société, la maçonnerie, les petits jeux débiles sur smartphone, et puis lire, lire, lire....

Laisser un commentaire

Champs Requis *.